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Olivier Clerc

Maître de conférences HDR, Université d’Artois

La stratégie en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 vise à ce que 30% des terres et des zones marines de l’Union européenne bénéficient d’un régime de protection voire, pour 10% d’entre elles, d’un régime de protection stricte. Parmi les écosystèmes concernés, la Commission cite, dans la stratégie, les cours d’eau, les tourbières, les prairies, les zones humides, les mangroves, les prairies sous-marines et insiste particulièrement pour que les forêts primaires et anciennes, qui sont des espaces à forte naturalité, fassent l’objet d’une attention particulière. 

En janvier 2022, dans un document de travail qui leur était consacré, la Commission ambitionnait que ces « zones strictement protégées » fussent conçues comme des espaces dans lesquels les processus naturels ne seraient pas perturbés par les pressions et les menaces humaines. On comprenait ainsi que, du point de vue de la Commission, nombre d’entre elles devraient être des zones de non-intervention, où seules des activités –limitées et contrôlées– n’interférant pas avec les processus naturels ou les améliorant pourraient être autorisées. 

En publiant, en mars 2023, un document de travail portant exclusivement sur les forêts anciennes et primaires, la Commission a levé les derniers doutes quant à la portée pratique du régime de protection stricte pour ces écosystèmes. En effet, après avoir défini les indicateurs qui permettront aux autorités nationales de les identifier sur leur territoire, la Commission confirme que les forêts anciennes et primaires devront être considérées comme des zones de non-intervention. Elle préconise par conséquent que seules des activités en lien avec la recherche scientifique, la prévention des catastrophes naturelles ou encore le contrôle des espèces exotiques envahissantes pourront y être autorisées. Sous réserve d’une évaluation au cas par cas, des activités de gestion essentielles pour renforcer les processus naturels ou nécessaires pour restaurer ou conserver des habitats naturels et des espèces sauvages pourront également être menées. Il en va de même pour des activités récréatives non intrusives si elles sont strictement encadrées. 

En promouvant ce modèle de gestion –qui devra toutefois être avalisé par les Etats– l’Union européenne compléterait sa politique de protection de la biodiversité par une politique de préservation de la wilderness qui tarde à se concrétiser malgré la résolution du Parlement européen de février 2009 sur les zones de nature vierge en Europe qui l’appelait de ses vœux. Pour rappel, le Wilderness Act américain de 1964 –véritable référence en la matière– décrit, conformément à ce que promeut dorénavant la Commission, la wilderness comme « un lieu où la terre et sa communauté de vie ne sont point entravés par l’homme, où l’homme lui-même n’est qu’un visiteur de passage ».