Ancien directeur de Sciences Po Grenoble avant d’enseigner à Sciences Po Paris, il s’était investi dans l’enseignement et la recherche sur la construction européenne. Il est mort le 17 janvier, à l’âge de 93 ans.

Article Le Monde publié le 20 janvier 2021

Par Christian Lequesne (Sciences Po Paris), François d’Arcy, Yves Schemeil et Jean Leca (anciens directeurs de Sciences Po Grenoble)

Directeur de Sciences Po Grenoble avant de prendre la direction de l’université Grenoble-II, puis d’enseigner à l’Institut d’études politiques de Paris, passionné d’Europe, Jean-Louis Quermonne est mort le 17 janvier, à Grenoble, à l’âge de 93 ans.
Homme de culture aux convictions religieuses profondes, d’une parfaite courtoisie et d’une grande ídélité, Jean-Louis Quermonne naît le 3 novembre 1927, à Caen, où son père est médecin. Il obtient à Paris le diplôme de l’Institut d’études politiques et le titre de docteur en droit. Agrégé de droit public, il est nommé, en 1952, à la faculté de droit d’Alger dans laquelle il enseigne à l’Institut d’études politiques.
Les années à Alger correspondent à de profonds remous liés à l’indépendance. Jean-Louis Quermonne se lie alors d’amitié avec Pierre Mendès-France et la guerre d’Algérie sera une source de réflexion qui se poursuivra après son arrivée à Grenoble, en 1957. Il anime avec Pierre Mendès-France et le professeur Georges Lavau les colloques juridiques du bâtonnier René-WilliamThorp, alimentant les propositions sur l’avenir de l’Algérie. Ce démocrate-chrétien participe aussi aux rencontres du Monastère de Toumliline, au Maroc, destinées à rapprocher les communautés chrétienne et musulmane.
Talents de réformateur
A Grenoble, Jean-Louis Quermonne déploie ses talents de réformateur à l’Institut d’études politiques(IEP) dont il est nommé directeur en 1958. Il a alors 30 ans. Il perçoit immédiatement les facteurs de changement présents dans les nouvelles « administrations de mission ». Avec l’aide de la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (Datar), il crée le Centre de recherche sur l’aménagement du territoire (Cerat, aujourd’hui Pacte) rattaché au CNRS et à la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP). Il développe un lien d’amitié avec Hubert Dubedout, élu maire de Grenoble en 1965.
Quand Jean-Louis Quermonne participe en 1966 au colloque de Caen sur l’avenir de l’université française, il est en phase avec les thèmes abordés : briser le cloisonnement entre les facultés et créer des universités autonomes tournées vers la pluridisciplinarité.
Ce foisonnement d’idées d’avant-garde préfígure les débats de 1968. Jean-Louis Quermonne fait partie d’emblée de ceux qui ont perçu ce qui pouvait être positif dans le mouvement de mai. Quand se met en place la loi Edgar Faure (d’orientation de l’enseignement supérieur), il abandonne la direction de l’IEP pour prendre la présidence de la nouvelle université de Grenoble-II. Puis, en 1971, à la création de la Conférence des présidents d’université (CPU) présidée par le ministre, ses collègues le choisissent comme premier vice-président. De 1975 à 1976, il est directeur des enseignements supérieurs et de la recherche. En désaccord avec la secrétaire d’Etat aux universités Alice Saunier-Seïté, il n’hésite pas à démissionner de son poste.
Il rejoint, en 1977, Sciences Po Paris comme professeur. Il y devient vice-président de la FNSP, puis est élu président de l’Association française de science politique. Il y développe ses enseignements, ses recherches et ses publications sur l’administration publique. Sa réflexion sur les institutions passe par ses cours et ses manuels (Les Régimes politiques occidentaux, La Vème République).
Recherches sur la construction européenne
En 1989, Jean-Louis Quermonne reprend un poste de professeur à l’IEP de Grenoble, afin d’y développer des enseignements et des recherches sur la construction européenne, domaine dans lequel il s’investit de plus en plus. Il croit en l’avenir fédéral de l’Europe, mais son esprit critique n’en fait jamais un militant doctrinaire.
Sa relation avec Jacques Delors détermine une grande partie de sa production intellectuelle. Il est l’un des membres fondateurs du laboratoire d’idées Notre Europe créé par Jacques Delors en 1996. Les années 2000 sont riches en débats sur les réformes institutionnelles de l’Union européenne. Durant ces années, Jean-Louis Quermonne produira de nombreuses notes pour alimenter la réflexion.
L’enseignant est aussi toujours présent. Il publie Le Système politique de l’Union européenne qui connaîtra un grand nombre d’éditions (éd. LGDJ). Richard Descoings, ancien directeur de Sciences Po Paris, mort en 2012, lui demande de créer le Cycle supérieur d’études européennes et les bourses Europe destinées à renouveler le vivier des doctorants européanistes. Il enseigne aussi au Collège d’Europe à Bruges. Depuis cinq ans, l’Association française d’études européennes accorde le prix de la meilleure thèse de science politique sur l’intégration européenne, intitulé Prix Jean-Louis Quermonne.