Patrick Meunier, Professeur à l’Université de Lille, membre du CRDP/ERDP et membre associé au CERISC (ENSOSP)

« La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent »

            Les termes introductifs de la Déclaration Schuman demeurent d’actualité pour les 446 millions de personnes vivant au sein des 27 Etats membres de l’Union. La vie paisible des citoyens européens est constamment menacée par des dangers d’origines multiples et d’ampleur variable. Les risques liés aux activités industrielles, à la production d’énergie nucléaire et à la prolifération d’agents pathogènes présentent des niveaux de dangerosité particulièrement élevés d’envergure spatiale et temporelle qui nécessitent de mobiliser des moyens conséquents. La problématique est d’autant plus complexe qu’elle s’inscrit dans le contexte sensible du dérèglement climatique et du terrorisme qui relativise notablement toute démarche prévisionnelle. De même, la catastrophe de Fukushima, résultant des effets conjugués d’un tremblement de terre et d’un tsunami, atteste qu’il incombe désormais de prendre en considération l’interaction des risques.

L’exposition au risque fait partie intégrante de la vie quotidienne des citoyens européens qui, par nécessité économique et sociale, se résignent à subir un préjudice à condition que la cause et les effets soient identifiés et canalisés. La capacité de garantir une exposition minimale au risque détermine le niveau de son acceptabilité sociale et, par voie de conséquence, permet de préserver les composantes d’une société en développement constituées par les personnes, les biens et l’environnement. En d’autres termes, l’étendue des moyens déployés correspond à l’investissement requis pour sauvegarder les équilibres économiques et sociaux. A ce titre, dans une étude publiée en 2017 (COM (2017) 773), la Commission européenne estimait à 360 milliards d’Euros le coût, depuis 1980, des phénomènes météorologiques et climatiques frappant l’Union, tout en soulignant qu’au terme d’études prévisionnelles l’Union connaîtrait une mortalité à hauteur de 152 000 personnes par an, entre 2071 et 2100, en raison de phénomènes engendrés par le dérèglement climatique, à défaut de mesures adoptées pour les contrer. La crise du COVID-19 met en exergue le délicat équilibre social et économique qu’il importe de préserver tout en recentrant le débat sur la personne humaine et son environnement, l’axe vital de nos sociétés dépendant fondamentalement de ceux-ci.

Face au défi des catastrophes transfrontières dont la complexité et l’intensité requièrent des moyens dépassant les capacités nationales, l’Union et ses Etats membres doivent protéger la vie de leurs citoyens en assumant avec efficience leurs responsabilités sur l’ensemble des composantes du triptyque de la prévention, de la préparation et de la réaction au risque. A ce titre, des actions ont été déployées sur la base d’un dispositif juridique (I) dont les insuffisances ont été révélées de manière cinglante par la crise du COVID-19 qui invite à renforcer drastiquement l’intégration européenne dans le domaine de la protection civile (II).

I/ La protection des populations : une prérogative régalienne … un appui de l’Union

En matière de catastrophe, l’urgence nécessite l’adoption de mesures exceptionnelles relevant de prérogatives de puissance publique exercées dans le cadre de l’espace souverain de l’Etat. L’incursion du droit communautaire ne s’est manifestée qu’à partir de 1985 par le biais de l’exercice de compétences sectorielles au moyen d’actions ciblées relatives, notamment, à la prévention des feux de forêts, des inondations ou des accidents d’origine chimique.

Dans le sillage de l’accident nucléaire de Tchernobyl, le Conseil et les représentants des gouvernements des Etats membres décident de créer, par le biais d’une résolution, un vademecum de la protection civile afin de mettre en place une coopération européenne. Bien que la décision soit prise au moyen d’un acte hors nomenclature, celle-ci est symbolique, les rédacteurs étant « convaincus qu’une initiative dans le domaine de la protection civile servirait directement la protection du citoyen européen et favoriserait la réalisation de l’Europe des citoyens ». Dès 1987, il existe une convergence entre les Etats et la Communauté de servir « le citoyen européen », concept qui ne sera inscrit dans le droit originaire qu’à partir du Traité de Maastricht. La nature fédératrice de la thématique se manifeste, en 1997, lors de l’adoption du 1er programme d’action communautaire qui, à défaut de disposition conventionnelle attribuant explicitement compétence aux institutions européennes, est instauré sur la base de l’article 235 CE conformément au principe de subsidiarité (art. 3 B). Le Conseil estime que  « les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire ». Le Conseil considère que le programme d’action communautaire « soutient et complète les politiques nationales en matière de protection civile afin d’en accroître l’efficacité ; que le partage des expériences et l’assistance mutuelle aideront à réduire les pertes en vies humaines, les dommages corporels et les dommages économiques et environnementaux dans l’ensemble de la Communauté ».

Dès cette époque, l’efficience européenne est mise en œuvre au regard de la nature et de de l’ampleur des risques. L’adoption du programme sur la base de l’article 235 CE atteste de la pertinence de l’action, tous les Etats siégeant au Conseil ayant unanimement statué positivement sur la proposition de la Commission.

En 2001, la thématique de la protection civile acquiert une nouvelle dimension européenne par l’instauration d’un « mécanisme communautaire visant à favoriser une coopération renforcée dans le cadre des interventions de secours relevant de la protection civile » (Décision du Conseil du 23 octobre 2001 (2001/792/CE/Euratom)) ainsi que par sa consécration conventionnelle. En effet, le traité de Nice précise (art. 3§1 u/ TCE) que « l’action de la Communauté comporte (…) des mesures » dans le domaine de la protection civile, sans que la typologie des « mesures » à prendre ne soit pour autant précisée. Dans la même configuration, une nouvelle phase d’approfondissement est amorcée en 2007. Le mécanisme instauré fait l’objet d’une « refonte » afin de prendre en considération l’« augmentation sensible de la fréquence et de la gravité des catastrophes naturelles et causées par l’Homme » (Décision du Conseil du 8 novembre 2007 (2007/779/CE/Euratom)) et, dans le même temps, la signature du Traité de Lisbonne consacre la volonté des Etats d’attribuer à l’Union une compétence d’appui en matière de protection civile [article 6 f) TFUE]. Dorénavant, ce domaine fait l’objet d’un titre spécifique du Traité (Titre XXIII) comportant une disposition unique (art. 196 TFUE).

L’apport conventionnel est fondamental mais le cadrage juridique atteste d’une vigilance manifeste des Etats soucieux de préserver au maximum leurs compétences régaliennes. La capacité de l’Union est circonscrite aux situations catastrophiques d’origine naturelle ou humaine, les autres types de risques relèvent de la compétence nationale. De même, selon l’article 196 TFUE, l’Union « encourage la coopération entre les Etats » sous le prisme du principe de subsidiarité, la valeur ajoutée européenne consistant à « renforcer » les systèmes de prévention et de protection. Dans cette perspective, le champ d’action de l’Union est cependant significatif, l’Union ayant pour mission de « soutenir » et de « compléter l’action des États membres aux niveaux national, régional et local ». Ce maillage territorial permet d’impliquer l’ensemble des acteurs de la protection civile, de centraliser les expériences et les compétences afin de les optimiser à l’échelle européenne, l’Union peut, ainsi, tel que le précise l’article 196 § 1 b) TFUE, « promouvoir une coopération opérationnelle rapide et efficace à l’intérieur de l’Union entre les services de protection civile nationaux ».  Cette valorisation des connaissances et des bonnes pratiques nationales contribue à conforter la mission qui incombe également à l’Union de « favoriser la cohérence des actions entreprises au niveau international » (art. 196 § 1 c) TFUE).

Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, le rôle exercé par l’Union a très certainement conduit à dépasser le prisme initialement décliné dans l’article 196 TFUE. L’action de l’Union ne s’est pas inscrite dans une approche réductrice des termes de l’article 196 TFUE consistant à concevoir le renforcement des systèmes de prévention et de protection sous l’angle d’une simple articulation optimisée des dispositifs nationaux. En intégrant la thématique dans le cadre de la procédure législative ordinaire, les rédacteurs du Traité ont généré une nouvelle dynamique hissant la problématique de la gestion des risques catastrophiques transfrontières dans une véritable dimension européenne dépassant la logique minimaliste de la coopération interétatique.

Dorénavant, il incombe aux représentants des Etats (Conseil) et des citoyens européens (Parlement européen), en leur qualité de co-législateurs, de définir le cadre juridique permettant aux Etats et à l’Union d’œuvrer conjointement afin de protéger de manière efficiente leurs populations.

II/ La protection des populations des Etats membres de l’Union : un impératif européen

La crise du COVID-19 rend difficilement compréhensible certains arbitrages politiques juridiquement agencés au sein du TFUE. Face à une catastrophe transfrontière et à l’impérieuse nécessité d’agir efficacement, le commun des mortels peine à comprendre les lignes de démarcation fixées entre l’Union européenne et ses Etats membres. L’incompréhension est d’autant plus légitime au regard d’un discours prônant une identité européenne empreinte de valeurs partagées par les ressortissants des Etats membres désormais dotés de la qualité et du statut de citoyen européen. Partager un avenir commun implique de ne plus concevoir les relations entre les Etats et l’Union en terme de concurrence et de friction mais de les agencer de manière complémentaire afin de parvenir un niveau maximal de résultat quant à l’objectif à atteindre. Sous ce prisme, la crise du COVID-19 place la problématique de gestion des catastrophes transfrontières sous un prisme nouveau qui interroge sur la pertinence du choix opéré de retenir la méthode de l’attribution de compétences d’appui à l’Union dans un domaine qui requiert de déployer le plus rapidement possible tous les moyens nécessaires dans plusieurs, ou même l’ensemble, des Etats membres. En précisant que la compétence de l’Union ne remplace pas celle des Etats membres, l’article 2 § 5 TFUE semble particulièrement inapproprié lorsque ceux-ci ne parviennent pas à canaliser une catastrophe. Dans cette configuration, l’Union est dépourvue de compétence juridique et, a fortiori, de moyens opérationnels pour pallier le manque d’action étatique. De surcroît, au terme de la clause de solidarité (art. 222 § 1 b et § 2 TFUE), l’Union ne peut porter assistance à l’Etat victime d’une catastrophe que suite à sa demande.

Le temps politique et celui de la transcription juridique des actions qu’il génère s’accommodent difficilement avec les réalités urgentes et dévastatrices des situations catastrophiques. A ce titre, le législateur de l’Union s’est inscrit dans une démarche d’application dynamique de l’article 196 TFUE en adoptant, en 2013, une décision (n° 1313/2013/UE) dont le dispositif est largement commandé par le constat que les catastrophes à venir seront « plus graves et plus complexes (…) en raison notamment du changement climatique et de la conjugaison possible de plusieurs risques naturels et technologiques ». Dans cette optique, la décision vise à définir un « cadre stratégique général » reposant sur une « approche intégrée de gestion des catastrophes ». La collection d’informations et le recensement d’expériences permettent de gérer les phases cruciales de prévention et de préparation propres à optimiser le temps de la réaction. A cet effet, la décision adoptée en 2013 permet de franchir un cap qualitatif quant à la valeur ajoutée de l’action européenne en dotant l’Union d’un « Centre de coordination de la réaction d’urgence » (ERCC), qui dispose d’un « Système commun de communication et d’information d’urgence » (CECIS), et d’une « Capacité européenne de réaction d’urgence » (EERC). Cette dernière, bien que calibrée par la Commission européenne, est composée de modules d’intervention et d’experts affectés à discrétion par les Etats tout en demeurant sous leur commandement et mobilisables pour les besoins nationaux. La réserve de capacités d’urgence de l’Union européenne demeure d’ampleur variable et dépendante du contrôle étatique.

La Cour des comptes européenne (Rapport spécial n° 33 de 2016) et la Commission (COM (2017) 78 final) ont successivement identifié les aspects perfectibles du mécanisme de 2013. A cet égard, l’année 2017 a été jalonnée d’une série de crises majeures tant sur les territoires continentaux et ultrapériphériques des Etats membres qu’au sein d’Etats tiers à l’Union. En l’occurrence, le mécanisme européen n’ayant pu satisfaire toutes les demandes d’assistance à défaut d’un manque de moyens opérationnels, la Commission européenne a proposé de renforcer les capacités de l’Union sur la base d’une structure à deux niveaux que le législateur européen a instauré en modifiant le mécanisme de 2013 (Décision (UE) 2019/420 du 13 mars 2019). Ainsi, la « Capacité européenne de réaction d’urgence » (EERC) composée de modules volontairement fournis par les Etats devient la « Réserve européenne de protection civile » et, parallèlement, la création de « rescEU » permet à l’Union de disposer de ses propres capacités opérationnelles. A l’aune de la crise du COVID-19, la motivation génératrice du dispositif atteste de la pertinence de l’action européenne, rescEU étant institué « pour fournir une aide dans des situations d’une ampleur particulière lorsque les capacités globales existantes au niveau national et les capacités affectées au préalable par les États membres à la réserve européenne de protection civile ne permettent pas, compte tenu des circonstances, d’assurer une réaction efficace face aux (…) catastrophes » (art. 12 § 1 de la décision). La décision de 2019 attribue à la Commission la mission de déterminer les capacités opérationnelles de rescEU qui, initialement (Décision (UE) 2019/570), consistaient essentiellement en moyens aériens (lutte contre les incendies de forêts, évacuation sanitaire) et en équipes médicales d’urgence. Les événements de l’hiver 2020 ont conduit à doter rescEU d’un « arsenal médical », selon la formule singulièrement révélatrice employée dans l’intitulé de la décision d’exécution de la Commission (2020/414 du 19 mars 2020). De même, l’institution gardienne des traités a décidé d’activer la possibilité, désormais offerte (Décision (UE) 2019/420), de doter rescEU de capacités pour gérer les risques à faible probabilité d’occurrence mais à fort impact. A cet égard, la Commission évoque, à titre non exhaustif, une attaque biologique à grande échelle ainsi qu’une épidémie d’une maladie extrêmement contagieuse, tout en soulignant que le dispositif doit « également être utilisé pour réagir à des menaces transfrontières graves et de longue durée sur la santé, qui sont susceptibles de perturber la fourniture de services sociaux, environnementaux, économiques et de santé publique en raison de leur ampleur et de leur complexité » (Décision d’exécution (UE) 2020/452 du 26 mars 2020). Les coûts nécessaires pour assurer la disponibilité et le déploiement de ces capacités sont couverts par une aide financière de l’Union (art. 21 § 4 de la Décision 1313/2013 modifiée).

Concomitamment, le Conseil européen, par sa déclaration commune du 26 mars 2020, et le Parlement européen, par le vote de sa résolution du 17 avril 2020, ont invité la Commission à formuler des propositions en vue d’établir un système de gestion des crises « ambitieux et à grande échelle au sein de l’Union ». A ce titre, l’argumentation du Parlement européen, fondée sur les articles 2, 3 et 21 TUE, est particulièrement limpide, l’institution qui représente les citoyens européens soulignant que « la solidarité entre les Etats membres n’est pas une option mais une obligation qui découle des traités et fait partie de nos valeurs européennes ». La Commission fait écho à la résolution du Parlement en proposant, le 2 juin 2020, une nouvelle modification du mécanisme européen de protection civile. Suite à la crise du COVID-19, il s’avère que l’assise capacitaire essentiellement nationale a pour conséquence que « ce système de solidarité mutuelle européenne tend à s’essouffler » lorsqu’une urgence identique se produit simultanément dans plusieurs ou l’ensemble des Etats membres (COM (2020) 220 final). La Commission estime qu’une telle situation présente de « graves lacunes » et nécessite une « réaction globale efficace (…) au niveau de l’Union, lorsque les Etats membres sont dépassés et ne sont pas en mesure de le faire ». Le constat est édifiant, les prérogatives régaliennes déployées dans le cadre de l’Etat souverain peuvent s’avérer insuffisantes, voire inexistantes, pour protéger le citoyen. Parmi les mesures proposées, outre le renforcement du dispositif de prévention et de préparation, l’accent est porté sur la constitution par la Commission d’un « filet de sécurité adéquat de réserves de capacités de rescEU » ainsi que de moyens requis pour la fourniture rapide de services aériens. L’acquisition directe par la Commission de capacités opérationnelles permet la constitution de réserves stratégiques européennes facilitant une action autonome et rapide de l’Union. En dotant la Commission de moyens opérationnels propres qu’il lui incombe de gérer, le dispositif esquissé atteste que la problématique des catastrophes transfrontières génère un processus d’intégration imposé par les nécessités sanitaires, économiques, sociales et environnementales. L’ampleur et la gravité de la situation résultant de la crise du COVID-19 impliquent de confier à la Commission un pouvoir de gestion ainsi qu’une dotation financière conséquente s’inscrivant dans le nouveau cadre budgétaire de crise de l’Union et le futur cadre financier pluriannuel renforcé.

L’Europe des réalisations concrètes imposées par les tumultes catastrophiques causés par la nature mais surtout par l’activité humaine confère une nouvelle dimension aux principes structurants de l’Union. Ainsi, l’assistance mutuelle entre l’Union et les Etats, consacrée par le principe de coopération loyale (art. 4 § 3 TUE), doit s’envisager plus que jamais en terme d’optimisation de l’objectif visé par les traités, en l’occurrence la promotion du bien-être des peuples de l’Union ainsi que la cohésion économique, sociale et territoriale (art. 3 TUE). De même, le cadre institutionnel de l’Union doit véritablement promouvoir le principe de cohérence des politiques et actions menées au sein de l’Union afin de « servir ses intérêts » et « ceux de ses citoyens » (art. 13 § 1 TUE). Face aux catastrophes majeures, il est crucial pour les populations de pouvoir faire confiance au « système » auquel il incombe d’en juguler au maximum les effets, en ce sens l’adhésion à l’Union est largement tributaire d’actions concrètes et performantes issues du dispositif institutionnel et matériel européen. La solidarité est une valeur de l’Union (art. 2 TUE) qui s’avère essentielle dans le domaine de la protection civile (art. 122 § 2) sous réserve que l’Union puisse effectivement disposer de moyens mobilisables conséquents afin de s’acquitter des missions que lui confie l’article 222 TFUE (clause de solidarité). La perspective est également transposable à l’échelle internationale, l’Union ayant pour mission « d’aider les populations, les pays et les régions confrontés à des catastrophes naturelles ou d’origine humaine » (art. 21 § 2 g) TUE ; art. 214 TFUE).

Il semble désormais difficilement concevable de cantonner l’Union dans une simple compétence d’appui dans le domaine de la protection civile car, à l’évidence, il ne suffit plus de coordonner ou compléter l’action des Etats. La crise du COVID-19 a démontré que « nécessité fait loi européenne » dans la mesure où certaines défaillances nationales ont conduit l’Union à agir substantiellement afin d’assurer l’approvisionnement de produits médicaux, service pourtant essentiel et « basique » au sein de nos sociétés économiquement développées. L’heure est sans doute proche d’hisser la protection civile européenne au rang de compétence partagée, l’implication accrue et responsable de l’Union permettrait certainement d’instaurer davantage de cohérence afin d’apporter une réponse efficace et concrète aux défis qui nous sont lancés par la nature, mais aussi, et surtout, par cet apprenti sorcier qu’est l’être humain.

Les populations vivant au sein de l’Union ont besoin de protection d’envergure européenne, l’intégration en ce domaine est requise et sera d’autant mieux acceptée et dynamisée qu’elle ne sera pas imposée. La protection civile constitue assurément une opportunité d’intégrer l’Europe par une méthode ascendante et d’en assurer le bon fonctionnement au moyen des règles effectivement appliquées.

Il serait vain d’oser espérer que la crise du COVID-19 n’est qu’une catastrophe exceptionnelle et que le fil du temps paisible s’écoulera de nouveau et pour longtemps, il est de la responsabilité des Etats et de l’Union d’anticiper et de se donner les moyens de réduire l’impact des préjudices futurs, il serait dramatique de constater, à l’instar d’Hubert Reeves (L’espace prend la forme de mon regard), que « Des catastrophes « arrivent ». Puis, elles « sont arrivées ». Et on passe à autre chose », la vie des citoyens en dépend.