En hommage à Michaël Karpenschif

Michaël Karpenschif nous a quitté le 1er février 2025. L’avoir croisé, c’est se rappeler de son sourire franc et de son énergie solaire, qui ne pouvaient que vous emporter. Il savait inspirer sans écraser, accompagner sans diriger. Il donnait hauteur et humanité à des textes juridiques parfois trop froids. Avec lui, le droit devenait une matière vivante, qu’il vous invitait à explorer à ses côtés. Avec lui, tout devenait simple et drôle. Signe de sa finesse et de son intelligence, en doctrine comme dans la vie, il savait – en quelques mots bien choisis – résumer une pensée complexe ou tourner une situation en dérision.

Juriste agile et rigoureux, il a su articuler le droit de l’Union européenne et le droit administratif, pour devenir l’un des plus grands spécialistes du droit public économique. Au travers de ses thèmes de prédilection, il a démontré l’hybridation des ordres juridiques, exigeant de lui une grande maîtrise du droit de l’Union et du droit français. 

Cette maitrise lui a permis d’accompagner, voire de devancer, les évolutions d’un droit économique en constante mutation. Avec sa thèse, soutenue en 1999, sur Le contrôle communautaire des aides publiques nationales, il participe à l’émergence du droit des aides d’États. Agrégé en 2004, affecté l’Université de Chambéry, il rejoindra en 2008 l’Université Jean Moulin Lyon 3, où il avait préparé sa thèse. Il alliera alors l’engagement académique et la pratique d’avocat, pour nourrir une riche bibliographie. 

Il est l’auteur, ou le coauteur, d’une centaine de contributions, articles, commentaires ou chroniques. Aucune énumération ne saurait fidèlement refléter l’importance et la diversité de son œuvre. Il publia en 2015 un ouvrage de Droit des aides d’État, qui connut quatre éditions en six ans, la dernière datant de 2021. Ce succès suffit à démontrer la qualité de son auteur, qui s’impose comme une référence dans son domaine. Au-delà, on lui doit des travaux pionniers, systématiquement cités, telle son étude de 2008 : « Vers une définition communautaire du service public ? », publié à la RFDA.

Parler de son œuvre, c’est aussi évoquer son engagement collectif. Avec Cyril Nourrissat, il coordonna, aux Presses Universitaires de France, les Grands arrêts de la jurisprudence de l’Union européenne, ouvrage édité aussi à quatre reprises et auquel il contribua largement. Il organisa et participa à des nombreux colloques, pour le plaisir et l’intérêt de ceux qui y participèrent. Il s’engagea aussi au service de l’institution, dirigeant la Section droit public et le Centre d’études européennes, auquel il donna une seconde vie, avec Christine Ferrari-Breeur. 

Cet engagement fut aussi mis au service des étudiants. Directeur du Magistère, devenu Master, de Droit public des affaires, pendant plus de dix ans, il savait mettre son expertise à leur niveau, pour les passionner de ses connaissances, académiques et pratiques. 

Rendre hommage à Michaël, c’est surtout parler de lui, de ce qu’on savait de lui comme directeur de thèse. Lui, qui a eu le courage de co-diriger une thèse sur la Banque centrale européenne, sujet bien loin de ses domaines de prédilection. Lui qui sut donner les bons conseils, les plus simples mais les utiles. Lui qui s’enthousiasmait de cette thèse, avec sa bienveillance et son énergie, donnant au doctorant l’envie de continuer et d’aller plus loin. Faire une thèse avec lui fut un plaisir. Sa direction de thèse était à son image, rigoureuse et chaleureuse. A ses côtés et par sa présence, nous avons pu grandir, nous épanouir et… rire ! 

Sébastien Adalid[1]

Professeur à l’Université de Rouen Normandie

Membre du Conseil d’administration de l’AFEE


[1] Avec les précieuses relectures de Valérie Michel et Loïc Robert.